Confinement : interdire la vente d'alcool. Un arrêté finalement abrogé.
Depuis quelques jours, des questions émergeaient dans la presse et sur les réseaux sociaux : le confinement allait-il entraîner une augmentation des violences conjugales ? Mais aussi, allait-il favoriser de nouvelles addictions, en particulier celle à l'alcool ?
Dans ce contexte, un arrêté inédit a été pris dans la journée d’hier, mardi 24 mars, par le préfet de l’Aisne, suscitant à la fois surprises et interrogations : interdire la vente d'alcool pour éviter les rassemblements et les violences familiales. Dans la soirée, l’arrêté a finalement été abrogé suite aux réactions et conseils d’addictologues.
Les réflexions suivantes vous permettront peut-être de vous faire une idée de l’intérêt ou non d’un tel arrêté et de ses probables effets pervers.
L'alcool était-il la cause de rassemblements ?
Les "apéros balcons " ou les "apéros Skype ou WhatsApp" sont devenus populaires depuis une semaine. Cette nouvelle forme d'alcoolisation dans un cadre social, mais à distance, a trouvé nombre d'adeptes pour continuer à partager des moments festifs et conviviaux justement pour éviter les contaminations. Si elles peuvent effectivement interroger d'un point de vue sanitaire en terme de risque, à terme, d'augmentation des addictions, en fonction de leur fréquence et des quantités d'alcool consommées, nous pouvons toutefois nous interroger sur les risques quant au coronavirus. En ce qui concerne les rassemblements « réels » amicaux ou familiaux étaient-ils si nombreux depuis le confinement pour envisager une telle mesure et supprimer la vente d’alcool aurait-il réduit ces rassemblements interdits ?
L'alcool en cause dans les violences familiales.
L'alcoolisation est effectivement en cause dans une majorité des violences familiales mais ce n'en n'est pas forcément la cause des violences. Le problème est beaucoup plus complexe. Empêcher les consommations d'alcool réduirait-il les violences ? Cette mesure aurait peut-être pu permettre de le vérifier ou au contraire de l'infirmer, cependant en temps de crise sanitaire le moment semblait mal venu de faire de telles expérimentations. N’est-il pas possible de réfléchir à d'autres mesures pour prévenir les violences familiales et conjugales ?
Les effets dangereux d'une telle mesure.
Une majorité des consommateurs d’alcool n’aurait pas été immédiatement impactées par cette mesure, possédant des réserves d’alcool chez eux et étant en capacité de modérer leur consommation ou de s'en passer. Cependant 80% de l'alcool vendu est consommé par 20% de français, des français qui ont un usage nocif de l'alcool voire qui présentent une dépendance.
Chez une partie de cette population, l'arrêt brutal de l'alcool peut entraîner un syndrome de sevrage, l'organisme souffrant du manque d'alcool. Un sevrage brutal sans encadrement médical peut être mortel...
Alors que les hôpitaux sont saturés et que bon nombre de services hospitaliers d'addictologie ont dû fermer les lits de sevrage, on peut donc se demander si le risque sanitaire n’aurait pas été plus important en interdisant la vente d'alcool…
En effet, bon nombre de malades alcooliques n'ont pas de réserve d'alcool chez eux. Car acheter au jour le jour est est souvent une stratégie qui leur permet de réguler leur consommation. Le sevrage aurait donc été non préparé et brutal.
L'alcool a une fonction psychologique et quel aurait été l'impact de cette privatisation? Après le sevrage, le maintien de l'abstinence nécessite souvent un accompagnement médico-psycho et/ou social. La dépendance psychologique est en effet bien ancrée.
Enfin, aujourd'hui nombre de consommateurs associent alcool et cannabis. Le confinement rend compliqué l'approvisionnement en cannabis, ce qui est djà très anxiogène pour ces consommateurs. Par conséquent un tel arrêté aurait certainement amplifié leur anxiété de manière exponentielle.
Sans compter les risques liés à ces multiples sevrages sauvages qui étaient à craindre dans l'Aisne, cette mesure aurait également certainement perdu de son sens mettant finalement à mal les mesures de confinement. Par peur de manquer, nombre de consommateurs se seraient déplacés seuls ou en groupes dans les déplacements voisins. Quant aux habitants des autres départements, certains auraient aussi fait des réserves de peur que la mesure ne se généralise.
Ainsi, heureusement cet arrêté n’a pas été appliqué car il aurait certainement engendré plus de désordres et de sur-accidents qu’il n’aurait été protecteur.
De nouvelles habitudes peuvent rapidement se mettre en place dans le contexte sanitaire que nous vivons : consommer plus d’alcool que d’accoutumée pour apporter un peu de fantaisie à vos journées, les rythmer, vous sentir moins seul ou vous occuper, ou réduire votre anxiété. Ces habitudes seront peut-être difficiles à perdre dans quelques semaines… Si vous observez une augmentation de votre consommation d’alcool, Just'Dose vous conseille de vous référer aux recommandations officielles : consommer au maximum 2 verres par jour et pas tous les jours. Pour votre information, 1 verre standard correspond à 10 g d'alcool pur quelle que soit la boisson alcoolisée.
Servez la juste dose !
Sans gobelet Just’dose à la maison, vous pouvez toujours faire vos calculs et utiliser un verre mesureur de cuisine. Enfin, en cas de difficulté, il est possible de contacter par téléphone certains centres de soin d’accompagnement et de prévention en addictologie.
Corona Virus : la vente d'alcool interdite dans l'Aisne, une première en France